Emmanuel Macron ou comment être jupitérien sur TikTok


Emmanuel Macron réalisant un selfie à Aix-la-Chapelle (Allemagne), le 9 mai 2018.

Emmanuel Macron est un TikTokeur comme les autres, et en même temps il n’est pas un TikTokeur comme les autres. La preuve : lorsque son compte se retrouve mystérieusement banni durant quelques heures du réseau social le 27 janvier (ce qui peut arriver à tout le monde), l’info est largement relayée dans la presse et commentée par les internautes, qui rivalisent de scénarios explicatifs loufoques (ce qui n’arrive pas à tout le monde). « Tu as fait quoi Manu pour que TikTok te ban ? », interroge alors un utilisateur.

Franchement, on se le demande. Car si on explore cette galaxie d’images à la première personne filmées avec un cadrage proche du « MySpace Angle » (vue de haut, pour paraître plus beau), rien de véritablement transgressif n’apparaît à l’horizon. On pourrait se dire que la collection de polos Lacoste qui défilent à l’écran a un petit côté provoc en période d’inflation, mais ce serait se lancer dans un mauvais procès.

Inauguré en 2020, le compte du chef de l’Etat réunit plus de 3,9 millions d’abonnés et regroupe un grand nombre de vidéos didactiques sur la politique mise en œuvre, des exhortations à aller se faire vacciner, des leçons de choses sur le bien-fondé du passe sanitaire, des éclaircissements sur les polémiques en cours. Chaque problème social trouve ici une réponse sous la forme d’un solutionnisme incantatoire, comme si on avait face à nous le grand chaman guérisseur de la nation. L’endométriose ? « Faites-vous diagnostiquer, nous allons vous accompagner… » Le harcèlement scolaire ? « Nous ne lâcherons rien ! » La crise climatique ? « Avant la fin du mois de janvier, je ferai, ici à l’Elysée, un conseil de planification écologique. » Les préservatifs gratuits pour les mineurs ? « Banco ! (…) Sortez couvert, comme disent les grands auteurs. »

Brossant non sans humour la jeunesse dans le sens du poil, Emmanuel Macron n’hésite pas à afficher le beau dessin que lui a offert Eiichiro Oda, l’auteur du manga One Piece, à mettre en avant son régime alimentaire « flexitarien » ou à poster une reprise de La Marseillaise en version metal, sans oublier de féliciter comme il se doit les bacheliers, avec une forme de paternalisme un peu old school (« Fêtez-le, profitez-en ! »). Aujourd’hui comme hier, la manière dont un président se met en scène médiatiquement n’est jamais anodine.

En contact direct avec le peuple

Valéry Giscard d’Estaing tentait de faire oublier sa particule en jouant de l’accordéon à la télé et en invitant des éboueurs au petit déjeuner. Mitterrand acceptait qu’Yves Mourousi pose ses fesses sur son bureau pour montrer qu’il était « câblé » (« chébran », quoi). Hollande, lui, se laissait filmer ruisselant sous les averses, président normal qu’il était. Et Macron alors ? Dans son ouvrage Un personnage de roman (Julliard, 2017), l’écrivain Philippe Besson lui prêtait ces propos : « Il faut tenir les journalistes à distance. (…) Il faut trouver une présence directe, désintermédiée au peuple. »

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